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Chroniques Ripagériennes....





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Pauline DUMOND (1797-1887), Boulangère au quartier de la roche, à Rive de Gier….une étrange destinée….


Chronique Ripagérienne


Eric MOULIN-ZINUTTI

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Rive de Gier est une ville fière de ses racines et ambitieuse de son avenir. Elle devient aujourd’hui « Rive de Gier l’Incontournable » par la richesse de son passé et l’activité sociale, culturelle, économique sportive qu’elle développe aujourd’hui, pour devenir une actrice majeure de son territoire.

Au temps des Celtes et de la Gaule romaine, Rive de Gier est une frontière entre les « Segusiaves » et les « Allobroges ». Rive-de-Gier s’écrit sans « s », bien que cette ville occupe, actuellement, les 2 rives de la rivière qui se nomme le Gier. Le Gier a été couvert sur la majeure partie de sa traversée de la ville et il n’est plus possible de le voir dans le centre de ladite cité. Rive de Gier est une ville pionnière de la Révolution industrielle. Le Gier n’étant pas navigable, un Canal (voie navigable) fut ouvert vers Givors en 1779 pour assurer le transport du charbon. Ce canal, dont il ne reste aujourd’hui plus que quelques vestiges, sera remplacé par la voie ferrée. Rive-de-Gier abrite le premier tunnel ferroviaire sans doute réalisé en France, au lieu-dit Couzon sur la voie qui relie Saint-Étienne à Lyon.

En 1837, les différentes compagnies de mines de Rive-de-Gier vont s’associer pour créer la « Compagnie Générale des Mines de Rive-de-Gier » afin de pouvoir acheter les pompes nécessaires à l’exhaure des travaux souterrains. Cette compagnie voyant ses réserves de charbon s’épuiser, elle va tenter de s’implanter à Saint-Étienne vers 1840. Elle deviendra dans un premier temps la « Compagnie Générale des Mines de la Loire » puis après absorption des compagnies stéphanoises la puissante « Compagnie des Mines de la Loire ».

Si la production du Verre a été longtemps localisée près des forêts qui fournissaient le Charbon de bois nécessaire à la combustion, leur diminution au XVIIIe siècle a amené les verriers à se rapprocher des lieux de production de Houille. En 1749, la verrerie Robichon originaire de Franche-Comté s’ est installée à Givors où elle utilisait le sable du Rhône comme matière première et le charbon de Rive-de-Gier comme combustible. En 1788, il existait deux verreries à Rive-de-Gier, elles produisaient des bouteilles et des gobelets. Au début du XIXe siècle, la société Robichon vint s’installer à Rive-de-Gier en rachetant plusieurs verreries, elle introduisit la production de verre plat. Vers 1830, la trentaine de verreries présentes dans la ville employait environ 1200 personnes. La verrerie Richarme fondée en 1826 dans le quartier d’Egarande s’était spécialisée dans la fabrication des bouteilles. En 1877, Petrus Richarme reconstruisit l’usine sur une surface de 7 500 m², et introduisit en France les fours à gaz et à fusion continue de Siemens. L’entreprise a fonctionné jusqu’en 1958 avant d’être démolie. La dernière verrerie, installée dans le quartier de Couzon, Duralex a cessé son activité en 2006 ; elle avait été fondée en 1906 par Emile Hémain avant de fusionner avec Souchon-Neuvesel en 1958 et d’intégrer le groupe BSN en 1966.

Des ateliers de forge constituent les véritables moteurs économiques de la ville avec les noms de Lucien Arbel, Marrel, Petin-Gaudet. Symbole de cette époque, la cheminée des Forges, connue sous le nom de « Cheminée des Étaings » du nom de la même usine qui appartenait autrefois à la dynastie des frères Marrel sur le site de Châteauneuf (Loire), construite en 1866 est l’une des plus hautes d’Europe avec ses 108,7 mètres. Elle a été classée monument historique en 1992.

C’est dans ce contexte d’essor économique, que Jean FÉCHET, pourtant ainé de sa famille, et devant récupérer la riche exploitation familiale évaluée à presque 8000 Francs de l’époque en biens immobiliers, quitta son village de Saint-Martin-La-Plaine, pour venir s’installer comme boulanger au quartier de la Roche en la ville de Rive-de-Gier.

Le quartier est populeux, il regroupe tout d’abord toute une population d’origine ripagérienne exerçant des métiers traditionnels, mais depuis l’installation des verreries, il comprend aussi une nouvelle population d’origine étrangère. Ainsi à l’instar de la famille d’Ignace MEINZEL, soldat « à la solde » de Joseph II d’Autriche lors des guerres révolutionnaires, né à Prague, fait prisonnier par la France en 1796 puis travaillant à la verrerie de Boucard dans le Cher, et enfin installé à Rive-De-Gier comme verrier, on retrouve les familles CRINER, SCHMIDT, HUTTER, HAITZ….

Installé depuis 1815, comme boulanger dans ce quartier, Jean FÉCHET, alors âgé de 30 ans rencontre en 1816, une fille de commerçant en la personne de Claudine DUMOND, fille de charcutier dans ce même quartier. Le mariage fut célébré en la mairie de Rive-De-Gier le 17 Février 1816.

Claudine DUMOND a 19 ans, mais elle a déjà une forte personnalité. Elle décida de porter les prénoms de ses parrains et marraines. L’affaire fit tellement de bruit que lors de son mariage, l’officier d’état civil fut obligé de porter la mention suivante sur l’acte de mariage « et de Claudine DUMOND connue sous les prénoms de Catherine et de Pauline qui sont ceux de ses parrain et marraine ». Elle décida donc de signer la plupart des actes qu’elle fit rédiger de « Pauline ».

Le contrat de mariage des époux passé devant Maître Mallassagny le 10 Février 1816 indique que l’époux à reçu en avancement d’hoirie diverses terres à Saint-Martin-La-Plaine, ainsi qu’un mobilier de boulangerie de la part de ses parents et que l’épouse dispose de son trousseau évalué a la somme de 400 francs ainsi que d’une somme d’argent de 600 Francs.

Alors pendant 29 ans de vie commune, en même temps que Pauline donna naissance à huit enfants (Catherine, Jeanne-Marie, Félicité, Jeanne-Marie, Benoite, Félicie, Jean-Marie et Benoite), la boulangerie des époux FÉCHET prospère. Jean FÉCHET fut aidé dans cette entreprise, très certainement par la vente à plusieurs reprises de différentes terres, dont il avait hérité à son mariage ou récupérer lors du décès de son père Etienne FÉCHET en 1818. Mais à chaque fois - et il s’agit d’un élément intéressant l’histoire économique de nos aïeux – à son frère Jean François FÉCHET, qui avait repris l’exploitation familiale à sa place. La terre devait rester dans la famille .

Hélas en 1845, les ennuis surviennent. Jean FÉCHET est malade et il se sait condamné – nos aïeux savaient lorsque la mort approchait -.

Ainsi en compagnie de Pauline, il se rend chez Maître Journoud et Hutter, pour transmettre la boulangerie à son épouse. Il s’agit d’une situation tout à fait exceptionnelle car légalement il était compliqué pour une femme de posséder un bien, sans avoir un époux, un frère, un père, la « chapotant ». Il va utiliser un stratagème en l’article 1595 du code civil, qui va lui permettre de transférer la propriété de la boulangerie à son épouse, pour la somme de 600 Francs, qui est la somme de la dot de Catherine donnée par Jean Marie DUMOND son père lors de son mariage. Une sorte d’assurance vie pour Pauline, pour continuer à vivre décemment.

L’acte indique que « Jean FÉCHET, boulanger à la roche à Rive-de-Gier patenté pour la présente année à la mairie en date du 13 Mars numéro 16 vend à Catherine DUMOND sa femme à savoir : les meubles et effets mobiliers dépendant de la communauté d’acquêts existant entre eux suivant leur contrat de mariage ; Cela concerne un fonds de boulangerie exploité par le mari au lieu de la roche, ensemble l’achalandage, un pétrin, six pelles, vingt corbeilles, deux caisses à miches, un étouffeur et une garde-robe en bois, à deux portes, trois lits, une table, six chaises, vingt draps de lits, douze serviettes et divers ustensiles de ménage et de cuisine. La présente cession est faite pour servir à son épouse de remploi de la somme de 600 francs en numéraire, constituée en dot à cette dernière par son père lors de son contrat de mariage ».

Jean FÉCHET meurt à Rive-de-Gier le 19 Septembre 1845, à l’âge de 59 ans.

Veuve à 48 ans, Pauline, femme de tête nous l’avons dit, une semaine après le décès de son époux, va contracter un nouveau bail et y transporter son fonds de commerce, aidée en cela par l’époux de sa fille ainée, son gendre Claude THEVENIN, verrier à Rive-de-Gier, et habitant lui aussi avec sa famille au quartier de la Roche.

Ainsi par devant Maître Hutter, notaire de Rive-de-Gier, et le 26 Septembre 1845, « Barthélémy THIOLLIER, fondeur aux verreries rondes à Rive-de-Gier donne à bail et loyer à Catherine Pauline DUMOND Veuve de Jean FÉCHET, boulangère à savoir une pièce au rez-de-chaussée donnant sur la grande route, l’autre pièce par derrière donnant sur la cour, les deux pièces du premier étage, une cave et un espace de terrain d’une surface carrée de 65 mètres, 95 centimètres à prendre sur le jardin existant à la suite de la cour et dans l’endroit qu’il plaira à la locataire, appartement et emplacement dépendant de la maison appartenant au sieur THIOLLIER sis au quartier de roche. Madame FÉCHET se propose d’y transposer le fonds de boulangerie qu’elle exploite dans le voisinage en conséquence elle aura le droit d’établir un four à cuir le pain et si elle le juge convenable de percer dans le mur du rez-de-chaussée du côté de la rue une fenêtre pour lui servir de montre et ce à ses frais. Le bail commencera pour la pièce du rez-de-chaussée donnant sur la route ainsi que pour l’emplacement de terrain dès le jour ou il sera possible au bailleur de déguerper le locataire actuel, pour les autres appartements le 25 Juin 1847 et jusqu’au 1er Juillet 1855, et ce pour un loyer annuel de 170 Francs. A ces présentes intervient le gendre de la Veuve FÉCHET, Claude THEVENIN, ouvrier à bouteilles aux verreries rondes à Rive de Gier, qui se porte garant et caution solidaire de sa belle-mère ».

Il est loisible de penser que l’entreprise de Pauline n’aboutira pas de suite. Car en 1846, elle va marier sa fille Félicité FÉCHET, à un garçon boulanger et transmettre aux nouveaux époux le fonds de boulangerie qu’elle exploitait, à charge pour les nouveaux mariés de nourrir et entretenir Pauline, le reste de ses jours.

Le contrat de mariage indique que « par devant Maître HUTTER, le 28 Mars 1816, François Xavier MILLOT, garçon boulanger épouse Félicité FÉCHET, couturière. A cette occasion Catherine DUMOND donne à sa fille à savoir : un fonds de boulangerie exploité par la veuve FÉCHET au quartier de la roche pour lequel elle est patentée en mairie de cette ville le 13 Mars sous le numéro 16, achalandage et ustensiles compris, ainsi qu’une garde-robe en bois à deux portes, le tout pour une valeur de 1200 Francs. Sous la condition que les époux devront entretenir et nourrir leur mère et belle-mère, obligation qui s’étendait aussi au plus jeune des enfants de la Veuve FÉCHET. En cas d’incompatibilité, le contrat prévoyait que les nouveaux époux devaient verser à Catherine une pension annuelle et viagère de 300 Francs ».

Pauline pouvait être contente puisque sa fille et son gendre reprenaient la boutique de son époux. Et pourtant il n’en fut rien. Une incompatibilité survint dans cet arrangement à la fin de l’année 1846, certainement occasionné par un monstrueux appât du gain développé par son nouveau gendre.

En effet François Xavier et son épouse partent dès 1847 s’installer comme boulangers en la grande ville de Lyon, rue de sarron. Pauline restait donc à Rive-de-Gier sans travail, mais entourée de sa fille ainée habitante dans le même quartier. Pauline ne se remaria jamais.

Mais encore une fois Pauline est une femme de tête . Elle rencontre en 1851, un garçon boulanger âgé de 27 ans avec lequel elle va s’établir comme boulangère à Rive-de-Gier : Christophe GAGNAIRE originaire de Saint-Bonnet-Le-Château.

Elle restera travailler et habiter toute sa vie avec lui. Entre les deux une différence d’âge de 27 ans, mais est-ce bien gênant ? Alors que s’est-il passé coup de cœur…amour filial…Nous n’en savons rien si ce n’est que Pauline décéda à Rive de Gier, à l’âge honorable de 90 ans en 1887. Ce ne sont pas ses enfants qui déclarèrent le décès, certains étaient déjà morts et d’autres installés en la ville de Lyon. Ce n’est pas non plus Christophe qui déclara son décès, mais un neveu de Pauline.

Christophe GAGNAIRE ne se maria point non plus, il mourut à Rive-de-Gier en 1888 à l’âge de 64 ans, sans enfants, la déclaration de mutation par décès indique que ses biens furent dispersés au profit de sa famille.

Ainsi finissait l’étrange histoire de la boulangerie du quartier de la roche et des occupants. ----------- Tous droits réservés Eric Moulin-Zinutti juillet 2022 Retrouvez tous les actes concernant cette histoire sur généanet à ma page.





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