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Journal d’Hugues AULANIER, Curé du Brignon, (Haute-Loire) – (1638-1691)

Cinquante-trois ans durant, dans les deux derniers tiers du XVIIe siècle, et jour après jour, le curé d'un village du Velay -Le Brignon, à une quinzaine de kilomètres au sud de la ville du Puy -a tenu son journal. Vingt et un ans nous sont livrés ici, une grande coupe dans une fresque qui s'annonce immense, et d'une minutie digne d'un sire de Gouberville, mais sous des deux moins cléments.

Car l'époque est rude et les lieux sauvages. Temps de contagions, d’après-peste (en 1644, on exhume les ossements d'une femme enterrée dans un bois en 1631), d'insécurité chronique où rien ne manque : logement de gens de guerre (en 1653, les huguenots de Vais révoltés contre le comte de Rieux), rapines, assassinats, passages d'hommes «masqués avec cotillons de femmes et arquebuses », meurtres de brigands, emprisonnements arbitraires, sur fond de rivalité entre le vicomte de Solignac et l'évêque du Puy, entretiennent le «trouble du pays de Velay ». Le 13 juillet 1658, les soldats pillent en règle la « maison claustrale de l'église paroissiale » -ce qui nous vaut un inventaire mobilier d'un luxe rare -et le curé doit se cacher pendant... 46 jours. L'intendant d'Auvergne, Vertamon, commissaire député par le jeune roi pour pacifier les mouvements du Puy, n'arrive qu'en septembre 1658. Mais dans le rude Velay, avant les Grands Jours d'Auvergne de 1665, le désordre régnait partout.

A la précarité répond la fragilité de l'existence. Aulanier assiste à des dizaines d'accouchements difficiles qui donnent souvent lieu à des ondoiements d'enfants avortés (18 janvier 1644) et, comme la matrone n'est « pas toujours des plus expérimentées », certaines mères n'en réchappent que par miracle (5 mars 1655). Que de fois doit-il sortir les saintes-huiles pour porter le sacrement aux malades ! Devant cette vulnérabilité chronique, les ruraux cherchent à profiter de ce bas monde. Chaque dimanche après la Notre-Dame d'août, et au mépris des ordonnances épiscopales, ils dansent au moment des « reinages ». Sans attendre, ils convolent en justes noces : en 1644, un garçon se marie à 14 ans et 2 jours et, le 28 septembre 1655, Aulanier exige un procès-verbal d'un médecin du Puy pour trouver, chez un enfant de Chademac qui entend prendre femme avant l'âge canonique de 14 ans, « signes de puberté ». Incontes tablement, nous sommes ancrés dans la première modernité. Dans une paroisse de montagne, assez vaste, qui comprend une quinzaine de villages et hameaux (cf. la carte du tome H, p. 340-341, un peu sommaire toutefois), les tensions sont fortes, à commencer par celles qui persistent au sein du groupe des « prêtres habitués », issus des familles du cru, « natifs et baptisés dans la paroisse » mais qui n'ont point la position enviable du curé. En 1655, un prêtre est interdit pour avoir « engrossé une chambrière ». Et que dire de l'ennemi juré d’Aulanier, ce Guillaume Mathieu, jadis évincé par lui de la cure et depuis grand pêcheur devant son évêque, habitué du cabaret et des jeux de cartes, qui « fait la débauche » au mépris des ordonnances épiscopales, chante des « chansons impudiques » et siffle dans les rues du Brignon ? En 1655, après quatre mois d'interdiction, le revoilà qui court par les rues avec ses frères et le notaire Reynaud, faisant le pilier de taverne, jouant aux quilles au couderc commun, querellant les témoins qui ont déposé contre lui. Aussi, lorsqu' arrive sa semaine de service, néglige-t-il d'accomplir sa charge de « domadier ». Derrière ces prêtres paillards, tout un parti se ligue contre le curé.

Il est vrai qu'il se heurte à une forte personnalité. Né au village d'Aunac, à deux kilomètres du chef-lieu de la paroisse, Aulanier conserve un frère, Jean, « l’héritier » de la maison, et deux sœurs, dont l'une est mariée à maître Guillaume Michel, notaire royal du Brignon. Dans sa famille, on vit longtemps : la « mère grand » serait morte à plus de 100 ans en 1641, le père trépasse « âgé d'entour 98 ans », le 22 juillet 1657, la mère, Françoise Hitard, expire le 1er janvier 1644, âgée seulement de 74 printemps... Le curé, quant à lui, né en 1601, atteindra sa quatre-vingt-dixième année en dépit des menaces qui ne cessèrent de peser sur lui : blessé en 1643, menacé d'assassinat en 1651 par un laboureur auquel il a refusé la confession, sévèrement battu par un hobereau qui exigeait que son granger soit enterré dans l'église le 8 octobre 1655, il échappe de justesse à un meurtre le 21 décembre 1659, grâce à la présence de deux neveux qui lui restaient puisque l'un d'eux avait été assassiné dès 1643.

Le « nobliau » en question est Marc Vital de COLIN, seigneur de Roy. Il procède de la sorte car il a entretenu une relation adultérine avec la fille de son métayer Nadale DOULCE, fille de Michel DOULCE.

Deux enfants sont nés de cet adultère :

-          Pierre De COLIN, né au Brignon le 17 Janvier 1669. Enfant reconnu par son père légitime il est né le même jour que l’enfant légitime du seigneur et de son épouse légitime Marie De ROQUEPLAN : Jacques De COLIN.


-          Jean DOULCE né au Brignon le 14 Octobre 1670. Enfant non reconnu par le seigneur de Roy.


Nadale sera marié très rapidement avec un habitant du Brignon, Claude ROQUEPLAN, ce dernier acceptant d’élever comme les siens les enfants du seigneur de Roy. Il devait y avoir beaucoup d’amour entre le seigneur de Roy et la fille du métayer, car lorsque cette dernière voit son père mourir, le seigneur exige du curé que le défunt soit inhumé dans l’église Du Brignon. Et il se fâche…comme l’indique le journal de l’Abbé Aulagnier.

« Le vendredi 8 octobre 1655 matin, fus au lieu de Rois, quérir le corps dudit Michel Doulce défunt (décédé la veille) avec messires Saby et Mathieu, prêtres, et porté à l'église, comme je voulais commencer l'office des morts et préparais mon autel pour la célébration de la sainte Messe, le sieur Marc de Rois me dit qu'il voulait que le corps dudit défunt fût entérré dans l'église. je lui représentai que cela ne se pouvait faire, attendu qu'il n'était point de notre paroisse ains de celle de Cayres et que par son testament, reçu Maitre Michel, notaire royal du Brignon, il avait choisi sa sépulture dans notre cimetière et qu'il fallait suivre la volonté du testateur et d'aileurs qu'un paroissien n'avait droit d'enterrer dans l'église, fors M; les prêtres, et même les décrets de l'Eglise, le rituel romain et les ordonnances de Monseigneur l'Evêque le défendaient et par ainsi je ne pouvais assister audit enterrement ni consentir que se fit dans l'église. Ce qu'ayant entendu, ledit sieur de Rois, se ruant sur moi au-devant le grand autel et dans l'église reniant Dieu, qu'il me baillerait cent coups de barre et me tuerait à la part qu'il me rencontreait, assisté de m. du Mont, son frère, ses domestiques, me donna un grand coup de poing à l'estomac, me prenant par le nez et par mon surplis qu'il mit en pièces à la présence de messire Saby, prêtre, Antoine Romeuf, cordonnier Pierre Bay, granger, et plusieurs autres, me contraignit de sortir de mon église, me retirant dans la maison de la cure pour sauver ma vie, me criant cent injures indignes d'homme d'honneur, et sans messe ni office des morts, ledit messire Mathieu, prêtre à l'occasion et suscitation duquel ledit sieur de Rois me querella, enterra sans étole tout auprès des fonds batismaux, contre les décrets de la sainte Eglise, ledit Doulce défunt et emporta les offrandes et le luminaire que j'avais fourni. »

Le seigneur de Roy, n’aura de cesse d’établir comme il se doit ses enfants naturels en les mariant avec « la bourgeoisie du coin ». En 1682, il ira jusqu’à faire une donation a la fille de son ancien métayer.

« Estably noble Marc Vidal de Colin seigneur de Roix habitant audit Roix lequel de son gré… considérant les bons et agréables services qu’il a reçus et espère recevoir à l’advenir de Nadalle Doulce veuve de feu Mr Claude Roqueplan habitant au lieu et paroisse du Brignon présente et acceptante… une maison couverte à tuile ayant appartenu aux hoirs de feu Mr Berniaud notaire au dit Brignon composé d’une cuisine chambre écurie grange estable à pourceaux bassecour et jardin joignant ensemble, confrontant du levant pré de Mr Jean Boudoulh, du midi aussi du couchant chemin allant dudit Brignon à l’Arbre de Chabreyres, de bize le couderc commun dudit Brignon…Fait et récité audit lieu de Brignon, présents Pierre Bernard du lieu de ?; Jean Gerbier du lieu d’Aunac, soussigné avec ledit sieur de roix, Vidal Monbel de Brignon, Jean du Fayn du lieu de ?, Ladite Doulce, Bellut notaire… Sources : Archives de la Haute-Loire - Insinuation 1B41 ».

Veuf et Veuve la même année – l’épouse légitime du seigneur meurt le 2 Décembre 1681, l’époux légitime de Nadale le 4 Avril -, rien n’empêche de penser que le seigneur de Roy et Nadale ne vécurent pas très loin l’un de l’autre et peut-être ensemble. ?

Nadale meurt à 57 ans, le 14 Décembre 1703 après avoir dicté son testament.

« L'an mil sept cent trois et le vingt-septième jour du mois d'octobre après midi ? Louis 14e et parlement Nous N(otai)re Royal déterminées establyes en personne Dam(oise)lle Nadalle Doulce habitant du lieu et paroisse du Brignon Laquelle estant dans son lit detenue de maladie corporelle 5 estant toutesfois en son bon sens memoire et entendement a de son gré fait son testament nuncupatif et disposition de dernière volonté en la forme de manière que susdict en prennes lieu Elle s'est munie du signe de la S(ain)te Croix et a recommandé son âme à Dieu le suppliant par les Mérites de Sa passion et Jur(?)ssion de la très S(ain)te ViergeS(ain)ts et S(ain)tes de paraître sa d(it)e 10 âme estant séparée de son corps la voulloir colloquer au Royaume esternel de paradis en la Compagnie des Bienheureux et ce ? ? sa sépulture au cimetière de l'église parochelle (paroissiale) dud(it) Brignon tombeau de ses prédécesseurs et quand à ses honneurs funèbres et funérailles se remet à la direction et volonté de son héritier cy nommé auquel a dit avoir pleine confiance 15 comme aussy pour aumoner les pauvres laissant le tout à sa volonté pour legal pies Lad(ite) testatrisse a donné à lequé la somme de soixante livres pour le payemant desquels lad(ite) testatrissea laissé entre les main s de son héritier une crois d'or une bague d'or le nombre de cinquante deniers et partie de ses habits à par expres une jupe rouge laquelle 20 somme sera destribuée scavoir six livres aux Religieux de Nostre Dame de Pradelles neuf livres à l'église Nostre Dame de la ville du Puy et six livres à la Chapelle Nostre Dame des Carmes (mot rayé) le tout pour dire est célébrer des messes pour le repos de son âme et autres ses pauvres et âmes trépassés payables par son d(it) héritier j(?) diattanant(?) après son 25 décès De plus veut que soict employé dela susd(ite) somme celle de Six livres pour l'achat d'une robe à l'image Nostre Dame de l'église du Brignon lequel soit aussy employé dud(it) argeant pour l'entretien de la lampe de lad(ite) chapelle pendant une année tous les 1ers dimanches des mois et fêtes de Nostre Dame pour laquel a assigné prendant lad(ite) année la somme 30 de quatre livres plus donné à Monsieur Queyron p(rê)tre dud(it) Brignon la somme de trois livres pour faire pré(?)s pour son âme et à Monsieur le Curé dud(it) Brinhon la somme de sept livres et au Sieur Jarousse vicaire la somme de douze livres et à Monsieur Michel p(rê)tre habitué dud(it) Brinhon la somme de sept livres le tout 35 pour dire des messes pour le repos de son âme et autres ses aprents et ayeux trépassés payables junnel iaternant(?) après soin(?) dud(it) par son héritier ou ceux qui auront lesd(its) effets les(its) mentionnés suivant la distribution que son héritier en pourront faire toutes à es susd(ites) sommes et péris(?)rendrons à la susd(ite) de soixante livres et venant à ses légats particuliers lad(ite) 40 testatrisse a donné et légué à Catherine Roqueplan sa fille de de feu M(onsieu)r Claude Roqueplan son mary la somme de six cent livres et un lit composé d'une couverte laine deux linceuls couetre de trente-six balle ce dessis payable par sond(it) héritier lorsqu'elle se colloquera en mariage ou ayant atteint l'âge de vingt-cinq ans Scavoir le premier payment tous ce que luy est due par 45 Mathieu Bay du lieu d'Aunac dont sond(it) héritier, ? luy deslivre pour l? lad(ite) obligation en las (?) il n'en aye pas été payé aud(it) ? à sond(it) héritier Les ater? luy bau? pour le premier payement compris ?endess? jusques à la somme de deux cent livres et susd(it lict (mot rayé) du ? une cranallere la quelle luy donne aussy et les quatre cents livres 50 pour parfaire la sus(?)e à p(?) ayant égaux ? de consents(?) de trente livres et ? le premier commanceant un an après le premier ? continuant jusque après ce payement, jusqu'au 1er payement ? legat veut qu'elle sont nourrie et entretenue dans lad(ite) mariee vivant en son estat et condition n’ayant ce veut qu'elle ne puisse rien plus prévenir 55 ? pour bien maternel que paternel Comme aussi lad(ite) testatrisse donne et lègue à Marie Doulce sa soeur son habitation, nourriture entretenant avec son(dit) héritier pendant sa vie et à tous ses autres parents et prétendants droit à ses biens leur donne à ? cinq sols Moy ? ce veut que tous les susd(its) légataires tant en général qu'en particulier seront contenus 60 et ne puissent autre chose prétendre en demander fut sont bien le faisant avec ce ses héritiers particuliers (3 mots rayés) Depuis lad(ite) testatrisse donne pour augmentation du susd(it) legat à lad(it)e Catherine Roque plan sa fille la somme de cinquante livres et deux linceuls lesd(its) deux linceuls payables au premier paiement les cinquante livres aux mêmes payements que de ? 65 trente livres dont (illisible) ..nées commanda (2 most rayés) après le dernier et avec le veut qu'elle soit contante et? tous bechounes ses autres biens meubles immeubles nones droits ? presans et à venir fait juss? et nomme de sa propre bourse pour son héritier Jean Roqueplan son fils naturel et légitime pour lequel veut ses dettes et susd(it) legat estre payés 70 sans forme de procès tt° (renvoi ligne 87) à quelles fins nous a requis vouloir re? uois la déclaration de son inventaire de ses meubles et gens qu'elle a appretis du consentement de son d(it) héritier dont la supputation diceux se trouve revenir tant en meubles que bestiaux et au compris une obligation deube (due) sur Pierre Louger dud(it) Brinhon de la somme de soixante livres et 75 sans comprendre ce qui est deub(dû) par led(it) Bay d'Aunac t°(renvoi ligne 85) tout le restant revenant à la somme de sept cent trente-cinq livres et sans aussy en comprendre ce qu'elle a laissé pour payer son légat ? de tous lesquels estat led(it) Roqueplan son ch? dès à présent pour les représentes en la légitime valeur s'il y a lieu si à lad(ite) testatrisse déclaré que c'est son 80 dernier testament que veulhe de sorte à son plein et dernier effet sont pas droit délesten ? codialle donnation à caude de mort que par toute autre voie de droit pourra valoir cassant ro?quant ? toutes autres dispositions qu'elle pourrait avoir fait nonobstant toutes clauses de rogation ayant prié les tesmoins icy présents les estre memorant? a moy No(tai)re 85 son ret? acte t°[renvoi ligne 75) ny aucun grain ny fourrage pour laur? laissé pour entre? de sa ?milhe de Besnaux , faict et stipulé au-devant du lict de lad(ite) testatrisse, en présence de tt°(renvoi de ligne 70) arrivant toutes fois que led(it) Jean Roqueplan son héritier viendrait à décéder sans aucun enfant légitime en ce cas veut que sad'ite) hérédité tombe aux enfanst de lad(ite) testatrisse par égalles 90 portions ? pourra dispozer que de sa légitime queluy pourrait appartenir de droit ) en présence de M(essir)e Jean Boudouls et Anthoine Dusuc du Brinhon souls(ignés) Estienne MOUSSION h(abit)ant à Bessarioux Pierre Turnet du lieu de la Vialatelle paroisse de S(ain)t Pierre de Salettes Gabriel Coudeyre du lieu de Charbonnières h(abit)ant abec led(it) Boudouls Jacques Barthelemy m(aîtr)e ma(ré)chal 95 et Vidal Ménabel dud(it Brinhon Illétrés come lad(ite) testatrisse dit moy No(tai)re royal reu?ant signé Mondilhon signatures de Boudouls, Dussuc illisible ». Me Pierre Mondilhon 3 E 83/2/88


Moi, Hugues Aulanier [Texte imprimé] : journal de l'abbé Aulanier, curé du Brignon : 1638-1691 / publ. par Sylvère Heuzé.... 3, 1651-1655. Heuzé, Sylvère, Editeur scientifique. BNF

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