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Le crime de Vivans ou un exemple concret de Pyscho-généalogie

Nul n’est besoin de rappeler ce qu’est la généalogie , par définition on peut dire qu’il s’agit de retrouver tous les ancêtres d’une personne. La filiation est alors prouvée et établie lorsque trois actes de la vie d’une même personne sont retrouvés : celui de sa naissance, celui de son éventuel mariage et enfin celui de son décès.

Si cette science qui pour certains est une passion voir un métier pour d’autres est en constante évolution, il existe une science parallèle qui s’est fait jour depuis le début des années 1970. Il s’agit de la psycho généalogie. Ce concept a été mis en place par une femme : Anne Ancelin Schultzenberger auteur de plusieurs ouvrages sur ce thème. En résumé il faut dire qu’il s’agit d’une analyse approfondie des membres d’une même famille sur plusieurs générations qui permettrait de comprendre que nous sommes tous héritiers d’une histoire familiale et que les événements, traumatismes, secrets, conflits vécus par nos ascendants conditionneraient nos troubles psychologiques, nos maladies et nos comportements étranges voir inexplicables. Ainsi et c’est ce que pense certains psychologues le vécu de nos aïeux influenceraient notre existence, et les traumatismes seraient transmis inconsciemment de génération en génération. Beaucoup ont déjà constaté qu’une naissance suit toujours un décès ou inversement, qu’une profession peut se répéter sur plusieurs générations, ou que la même maladie peut frapper parfois a plusieurs générations d’intervalles les membres d’une même famille….

Voici donc une application concrète d’approche psycho généalogique avec l’histoire du crime de Vivans.

L’affaire se déroule en 1921 dans la ferme de la borde située entre les communes de la Pacaudière et de Vivans, la fermière Madame Delorme née Gilberte Jacquet, 48 ans a été tuée d’un coup de fusil par un ancien domestique Jeandrieu Jean qui venait de passer quelques jours à la ferme.


· Le Théâtre du crime :

Le domaine de la Borde qui est à trois kilomètres de la Pacaudière est sur le territoire de Vivans. Il appartient à Monsieur Murcier originaire de la Pacaudière qui habite Paris. Il est cultivé en métayage depuis 1919 par la famille Delorme ainsi composée : le père 50 ans, trois filles Jeanne 15 ans, Claudia 11 ans, Marie 7 ans, deux garçons l’ainé 19 ans travaille à la ferme avec son père : le cadet Francisque 18 ans est garçon boucher chez Monsieur Labrosse à la Pacaudière. C’est une famille très unie et qui jouit de l’estime générale dans le pays.


· L’assassin :

Jean Jeandrieu est né à la Pacaudière le 23 Juin 1901. Sa mère meurt en 1907 et son père incapable de s’occuper de ses enfants aux nombres de cinq les abandonne au bon soin de sa belle mère. Il est voyageur de commerce et de là on peut penser qu’il ne peut se déplacer pour son travail et élever ses enfants. Hélas la mère de son épouse est une pauvre veuve qui ne peut faute d’argent subvenir aux besoin de ses petits enfants. Cette dernière Combaret Antoinette provoque en 1908 un conseil de famille des mineurs et la même année un Jugement de déchéance de Puissance Paternelle est rendue contre le père des mineurs. La grand-mère conserve la tutelle des mineurs. Mais peut-être déjà fatiguée par une dure vie de labeur elle décède à l’hospice de Roanne en 1914. Jean et ses frères et sœurs n’ont plus personne. Il y a bien des oncles mais ces derniers n’interviennent pas ou peu. Résultat les enfants vont rejoindre le flot des pupilles de l’assistance publique.

Jean avait travaillé en 1920 pendant quelques mois dans le domaine de la borde. Il fut aussi au service de plusieurs autres fermiers de la région et laissa partout une assez mauvaise réputation de violence. En 1922 il alla faire son service militaire à Tunis au 4ième zouave. A l’expiration de son service il rentra au service de Monsieur Delorme mais en février 1921 il était congédié.


· La scène du Crime :

Le jour du mardi gras 1921 vers 10 heures du matin Jean revint à la ferme de la Borde et demanda à Monsieur Delorme de lui accorder l’hospitalité pendant trois ou quatre jours en attendant qu’il puisse entrer dans une place à Roanne. Le fermier accéda à son désir et lui donna une chambre voisine de la sienne. Le jeudi vers 3 heures et demi Jean se trouvait dans la cuisine : Madame Delorme et ses trois filles cousaient ou vaquaient au soins du ménage. Sous prétexte d’aller à la chasse aux lapins le lendemain Jean examinait le fusil du patron qui était chargé. La fille ainée Jeanne venait d’aller au cuvage pour s’occuper du vin qu’on devait porter au père et au fils travaillant dans les champs. Soudain Jean auquel Madame Delorme avait déjà dit de remettre l’arme à sa place épaula et tira a bout portant sur la malheureuse femme qui s’écroula foudroyée. La charge qui avait été faite avait causé au coté droit une affreuse blessure d’où le sang s’échappait à flots. Et la pauvre femme mourut presque instantanément. Claudia âgée de 11 ans qui était assise à coté de sa mère fut blessée par un plomb à la tête. La plus jeune, Marie terrifiée par l’horrible spectacle se mit à pousser des cris et l’assassin s’enfuit. Dans la cour de la ferme, il croisa Jeanne qui revenait du cuvage. Se précipitant sur elle, il la renversa et la frappa sur la tête sur tout le corps avec une sauvagerie inouïe. Puis il disparut se sauvant à travers prés. Il fut aperçu par deux domestiques du voisinage qui le virent vers l’étang distant d’environ 300 mètres de la maison du crime. Plus tard on devait retrouver sur ses bords un vêtement de travail bleu.


· Après le drame sanglant :

Les premiers témoins furent les deux domestiques qui avaient entendu la détonation. Puis revinrent bientôt à la ferme le père et le fils qu’on était allé prévenir. Le corps de la victime fut déposé sur un lit, et la jeune Claudia fut transportée à la Pacaudière. Les premières constatations judiciaires faites par Monsieur Montaigu Juge de paix faisaient état d’une somme de 35 francs retrouvée dans les vêtements laissés dans sa chambre par l’assassin, aucun vol n’avait été relevé.

Certains ont dit que Jean avait courtisé la fille ainée et voulu l’épouser. Les parents s’étant opposés à ce projet il aurait conçu une haine farouche et se serait vengé. On publia donc son signalement : taille 1m58, cheveux châtain clair, frisé, yeux marrons, nez rectiligne gros, bouche grande, menton à fossette, tatoué sur les deux avants bras sur l’un une femme sur l’autre cette inscription « pas de chance, classe 1921 » et les recherches commencèrent. Quelques jours après on retrouvait son corps dans l’étang de la borde. Aussitôt son crime commis Jean Jeandrieu s’était suicidé.


Cette histoire est un cas réel. Il a fait l’objet d’une publication dans les journaux Roannais de l’époque. Et devant ce cas pour pouvoir mettre en pratique une analyse psycho généalogique il fallait procéder à l’établissement de ce que l’on appelle le génosociogramme. Il s’agit d’un arbre généalogique qui reprend les événements marquants de la vie de chaque ascendants (décès, accidents, mariages, naissances, maladies) sur plusieurs générations. Cette étude est ensuite confiée à des psychothérapeutes qui se livre à un travail thérapeutique en séances individuelles ou en groupe. Le fait de poser sur le papier les événements du passé et en discuter permet-il de soigner, la question reste posée ?

Au passage notons qu’aujourd’hui de nouvelles méthodes existent. Notamment celle de la constellation familiale du psychanalyste allemand Bert Hellinger. Cette dernière consiste a organiser une séance de simulation lors de laquelle quelques personnes incarnent des membres clefs de notre famille et jouent le scénario de votre histoire. Ceci est supposé vous libérer du poids du secret familial.

Dans notre cas d’espèce après l’établissement du génosociogramme de Jean Jeandrieu il ressort bien des constatations dont nous allons maintenant ici mentionné les plus importantes.


· Une situation de relation extra conjugale :

L’arrière-grand-mère de Jean Jeandrieu : Combaret Jeanne est née à Châtelus dans l’Allier le 11 Août 1813. A 30 ans elle est propriétaire et accouche d’une fille naturelle Antoinette à Châtelus le 13 Décembre 1841 ; la déclaration de naissance est faite en présence du père de Jeanne : Gilbert Combaret âgé de 78 ans.

Le 2 Mai 1850, à 37 ans Jeanne Combaret épouse à Châtelus , Pierre Montagnier âgé de 40 ans journalier. Ce dernier est veuf en ses dernières noces de Michelle Brun morte à l’hospice de Lapalisse le 21 Mars 1850. Et aussitôt tous deux déclarent qu’il est né d’eux une fille, Antoinette née à Châtelus le 13 Décembre 1841 qu’il reconnaissent pour leur fille. Nous somme dans un cas surprenant pour l’époque de relation extra conjugale. En effet Pierre Montagnier était marié depuis 1831 à Brun Michelle et en avait eu de nombreux enfants. On publia donc les bans du futur mariage en vitesse en n’en n’oubliant un au passage, ce qui permis à l’époux infidèle d’épouser sa maîtresse. La seule interrogation qui subsiste ici est celle de savoir pourquoi il n’y a pas eu de correction du nom patronymique de Combaret Antoinette en celui de Montagnier Antoinette, la question reste encore une fois sans réponse.


· Un certaine répétition d’événements pour Combaret Antoinette :

Combaret Antoinette devient fille de service. Au même âge que son grand père, Combaret Gilbert, 26 ans elle épouse à La Pacaudière Benigaud Philippe le 21 Avril 1867. Elle aura la douleur de perdre la même année son époux et son père biologique. C’est elle qui élèvera Jean, ses frères et sœurs après le décès de sa fille et la disparition de son gendre. Nous l’avons dit il y aura a sa demande formation d’un Conseil de Famille devant un Juge de Paix et prononcé d’un Jugement de déchéance de puissance paternelle à l’encontre du père de Jean. On ne sait pas d’ailleurs ou est mort Jeandrieu Paul Dominique. Dans l’acte du conseil de famille, il est dit qu’il est forain et qu’il était dans les environs à Roanne, à Vichy mais qu’il n’intervient pas dans la gestion de ses enfants.


· La relation extra conjugal de Paul Dominique Jeandrieu.

Jeandrieu Paul Dominique, le père absent, est né en Haute Garonne en 1862. Il épouse en première noces Jeanne Marie Sabaut qui est déjà une veuve bien avancé en âge. Il s’installe a Saint Etienne avec cette dernière ou celle-ci décède en avril 1898. Très vite Paul Dominique se déplace à La Pacaudière. Et le 8 septembre 1898 l’on retrouve la naissance de Benigaud Alphonse Marius né au domicile de sa mère Benigaud Marie et de sa grand-mère Combaret Antoinette. En marge de l’acte de naissance il est fait mention que l’enfant est légitimé par le mariage subséquent de ces parents Jeandrieu Paul Dominique et Benigaud Marie passé à la Pacaudière le 27 Février 1899. Ici aussi nous nous retrouvons dans un cas de relation extra conjugal, l’enfant ayant été conçu du vivant de la première femme de Jeandrieu Paul Dominique. Destin implacable : Alphonse Marius mourra pour la France lors de la guerre de 1914. Au passage notons que le dernier enfant du couple Jeandrieu-Benigaud deviendra religieuse, y avait il une faute a se faire pardonner…


· La vie dissolue de la sœur de Jean.

Cette dernière se nomme Claudia Pauline et elle naît à la Pacaudière le 31 Décembre 1899. Il est étonnant de constater qu’elle porte en premier le prénom de la fille des époux Delorme-Jacquet sur laquelle Jean s’est acharné en la rouant de coup une fois son crime accomplie. Claudia Pauline aura elle aussi une vie tourmentée. Après la première Guerre elle fait la connaissance d’un jeune infirme de guerre qui s’est distingué sur le front. Elle l’épousera le 15 Janvier 1919. Etant elle aussi pupille de l’assistance publique il est intéressant de constater qu’elle ment lorsqu’elle déclare au conseil de famille devant rendre un avis positif, sur son état de grossesse avancée de 6 mois pour pouvoir épouser son futur époux. On ne retrouve en effet pas de naissance avant celle de l’ainée de ses enfants. Le couple aura cinq enfants. Mais très vite rien ne va plus et l’époux demande le divorce. Cet acte retrouvé indique que l’époux se plaint que sa femme entretenait des relations adultérines avec d’autres hommes qu’elle faisait venir au domicile conjugale et qu’elle entretenait une correspondance avec eux. Le divorce est prononcé contre elle et l’époux garde la garde des enfants. Finalement et ce conformément à la tradition familiale, la sœur de notre criminel se remariera avec le dernier de ses amants et en aura une fille. Elle abandonnera comme son père l’avait avant elle ses enfants qui iront rejoindre les bancs de l’assistance publique. Plus tard suivant le même schéma sa fille divorcera à son tour de l’époux qu’elle s’était choisie. Comme dirais la psychothérapeute Anne Ancelin Schultzenberger : aie mes aïeux …


Il appartient à tous maintenant de relire le génosociogramme établie. Pourtant il reste alors encore une question a se poser. Comment une histoire du passé bien souvent ignorée ou oubliée de tous peut- elle être transmise de génération en génération. Actuellement aucun éléments scientifiques ne peut expliquer un tel phénomène. Pourtant d’aucuns se risquent à évoquer une mémoire génétique ou cellulaire. Notre histoire familiale serait-elle inscrite dans notre génome ?

Contentons nous de poser sur le papier les événements du passé et laissons les réponses aux spécialistes…


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